Le cinéma américain pour les nuls

Mon goût en matière de cinéma commence à m’inquiéter sérieusement. Heureusement que je n’y vais plus, sinon je m’agacerais tout le temps. Je ne vais plus jamais en salles, sinon aux avant-premières des amis. Je déteste être assis dans le noir à côté de gens que je ne connais pas et qui mangent du pop-corn. Je déteste le pop-corn, je déteste la promiscuité, je déteste les projections en HD. J’ai été mal élevé, il faut dire. Quand j’étais journaliste, on ne nous projetait que de belles premières copies pellicule, bobines aux petits oignons, pas la moindre rayure. Il n’y avait pas de pub, pas de pop-corn, pas de promiscuité. Le bonheur, quoi. Dans notre salle de projo à Première je descendais avec mon cendrier, et quand le film était épouvantable, il m’arrivait de demander à notre projectionniste de sauter des bobines. Je n’ai même pas honte de l’avouer. Voir un mauvais film me rend dingue, je le prends personnellement, ça m’énerve. Je me suis très récemment énervé comme un abruti pour une bête histoire de cadrage et d’éclairage dans un film – les deux étaient mauvais, c’est entendu – mais pas de quoi s’énerver à ce point.

Déjà que je n’aimais rien, je vire ayatollesque. Et pourtant je vois tout, ou presque. En DVD, quatre mois après la sortie – sachant que mon loueur préféré, depuis qu’il sait que j’ai fait un film, tient à me réserver toujours le privilège de ses nouveautés :
—   Tenez, Maître, j’ai gardé ça pour vous, je viens de le recevoir. Il paraît que c’est vraiment formidable !
—   Qu’est-ce que c’est ?
—   American Trip, un mélange de American Pie et de Very bad trip, c’est sorti directement en vidéo – la chance ! – et dedans il y a la blonde qui joue dans Saw 7 !
—   Saw 7 !?
—   Oui, la suite de Saw 6 !

Je déteste le cinéma américain, pourtant je l’ai tellement adoré. Je déteste les films d’horreurs, les films de science-fiction – je déteste tous les Star Wars par exemple, ça me donne envie de mourir. Je déteste le cinéma d’action, je déteste ! Dès que je vois un mauvais comédien courir avec un revolver j’ai envie de le gifler. Je déteste les revolvers, je déteste les poursuites en voitures, je déteste les sirènes de police. Je n’en veux pas dans mon salon, sur mon bel écran je-ne-sais-quoi, avec un très bon son merci. La passion qu’ont les gens pour les histoires de flics, je trouve ça toujours louche, côté “Honneur de la police” en eux, et celle pour les voyous pareil. Je me fous des histoires de flics, de voyous, je lis ça dans la presse, le matin, et je trouve ça désespérant– sauf quand c’est réalisé par Sydney Lumet, ou Jerry Schatzberg, ou James Gray, et avec Mark Wahlberg seulement (même si on ne sait jamais vraiment où se situe le “h” dans son nom et que ça finit par agacer). Je déteste Tarantino. Au début il me faisait rire, mais maintenant plus du tout, son cinéma m’accable, sa bêtise m’accable, me fait mal aux cervicales, il faut que j’aille à la pharmacie après pour acheter du Synthol. [Oui, j’ai décidé d’écrire le mot Synthol dans tous mes papiers jusqu’en juin 2084, c’est une espèce de défi personnel, mais reprenons]. Si l’on excepte les frères Coen et toute la famille Anderson : Paul Thomas Anderson, Wes Anderson, Maïwen Anderson (euh…), le cinéma américain ne m’intéresse plus. Je préfère le cinéma finnois, ou coréen, ou breton. C’est entendu et ça soulage. Mais voilà. Grâce à mon loueur préféré, je viens de voir deux films américains absolument formidables, mais vraiment absolument formidables, avec beaucoup de retard bien sûr.

Le premier s’appelle Greenberg. C’est avec Ben Stiller, Rhys Ifan, et une comédienne épatante qui s’appelle Greta Germig, réalisé par Noah Baumbach, et étonnamment coproduit par cette très grande actrice que fut et reste Jennifer Jason Leigh, qui y tient d’ailleurs un petit rôle. Si vous ne l’avez pas vu voyez-le, c’est remarquable d’intelligence, de finesse, d’élégance, de drôlerie, c’est incroyablement écrit et joué. C’est à vous réconcilier, ou presque, avec le cinéma américain.

Quant au second film, franchement je n’y croyais pas. Il s’appelle How do you know (Comment savoir en vf), il est écrit et réalisé par James L. Brooks (qui fut vraiment brillant, mais il y a très longtemps) – je ne l’ai loué que pour cet acteur que j’adore, Owen Wilson, qui y tient un des rôles principaux avec Reese Witherspoon (qu’on sait pas très bien où mettre le “h” non plus, d’ailleurs), Paul Rudd, Jack Nicholson et un actrice à retenir, souligner, ne plus rater une apparition, Kathryn Hahn, elle s’appelle (et elle au moins c’est simple, on met des “h” partout). C’est une espèce de comédie romantique assez classique, avec aucune fantaisie dans le filmage – large en entrée, puis champ moyen / contrechamp, plan de coupe, puis champ serré / contrechamp, plan de sortie, coupure déjeuner. Et pourtant… C’est écrit avec un talent, une drôlerie, une efficacité comique rare, et il se passe toujours quelque chose dans la séquence, pas dans le filmage, non, dans la mise en scène, dans le jeu des comédiens, des bonnes idées partout. Comme je n’avais pas entendu parler de ce film – je ne savais même pas s’il était sorti en salles, je suis allé vérifier. Il est sorti, oui, a fait moins de 100.000 entrées ; puis j’ai regardé les critiques. Les seules excellentes provenaient des Cahiers du Cinéma et des Inrockuptibles. Les Inrocks, cela va, je sais que Jean-Marc Lalanne a bon goût, mais Les Cahiers du Cinéma ! Si je me mets à aimer les mêmes films que Les Cahiers du Cinéma… Non, franchement, comme je disais plus haut (et là vous allez vous rendre compte que, contrairement aux apparences, ce papier est extrêmement bien construit), mon goût en matière de cinéma commence à m’inquiéter sérieusement.

ADDENDUM/ Allez hop, un hamburger et au lit.  


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6 commentaires

  1. T’as raison tiens! On n’a rien inventé de mieux que les films qui sentent la pluie, l’océan et les crêpes au citron…
    Mais il y a quand même d’autres très beaux films à aller voir au cinéma, si si, je t’assure.

  2. Thibault M. dit :

    Ma haine constante envers les fautes d’orthographe me conduit à vous signaler que le Saintol n’existe pas, au contraire du Synthol qui saura soigner vos douleurs tarantinesques, si violentes soient-elles.

    Et croyez bien que vous infliger un ‘h’ de plus dans cet article m’inspire la plus profonde compassion à votre égard.

    Ceci n’est pas un message de l’INPES.

  3. mireille aranias dit :

    J’aime voir les films en salle, quand je regarde des DVD, j’ai du mal à me concentrer, et comme tout le monde les mauvais films me font horreur, mais vu que je suis sélective, je crois savoir ce que je n’irais pas voir. Ce qui est le plus dur c’est de se faire une joie de voir un film et d’être obligé de s’avouer que c’est pas terrible, déception. J’ai vu en salle deux que j’aime infiniment, L Apollonide une,, merveille, et le film de Julie Delpy, une comédie de société, des acteurs au top, des dialogues excellents. Je suis un peu comme Diastème,le les poursuites en bagnole , les effets spéciaux et même les Stars Wars, me laissent de marbre, ainsi que les superman etc…. j’aime les films auxquels on peut s’identifier, les films qui sont fait par des cinéastes et non des filmaker,, Heureusement il y encore de grands cinéaste américains qui font du cinéma d’auteur, Gus Van Sant, Tod Haynes etc. et qu’ils tournent en vidéo ou en35mm, je m’en fiche un peu. Le principal, c’est qu’ils arrivent à faire leur film. de Tarentino ne retiens que « Jacky Brown, brillant,et comme il le dit : Viva el cinéma…… Mireille

  4. yann r dit :

    ouais, greenberg, j’aurais pas misé un copec dessus (une place de cinéma, c’est plus qu’un copec?), mais quel putain de bon film !

  5. Carine dit :

    Pour celles z’et ceux qui l’auraient loupé en salle, vendredi 9/03 , ce soir donc, à 20H45, sur Canal Cinéma, y a « Greenberg ».
    Pour celles z’et ceux qui l’ont déjà vu, y a « Greenberg » sur Canal Cinéma ce soir, vendredi 9/03 à 20h45.

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