Fromental

Jacques-Fromental Lévy, dit Fromental Halévy, est mort le 17 mars 1862 à Nice. De la tuberculose.

“Fromental” est un prénom issu du calendrier républicain de 1793 – dans lequel les prénoms des Saints étaient remplacés par des noms d’animaux, de plantes, ou d’objets incongrus. Fromental est le nom d’une avoine fourragère. On le fêtait avec les “Floréal”.

Fromental Halévy fut Prix de Rome 1819, il a écrit une quarantaine d’opéras, dont le seul encore connu est La Juive (très épisodiquement rejoué de nos jours). Mais son nom est célèbre via son neveu, Ludovic Halévy, qui corédigea le livret du Carmen de Bizet.

Fromental était le protégé, et l’ami, de Luigi Cherubini, piètre compositeur, qui régna pendant trente ans sur la musique en France. Au Conservatoire, puis à l’Académie. Espèce de trou du cul arriviste, franc-maçon, dénué de tout talent, mais qui reçut néanmoins l’hommage de la Nation, funérailles nationales – et qui repose au Père Lachaise (division 11, section VII).

Cherubini et Halévy, aussi mauvais l’un que l’autre, imposèrent malgré tout leur nullité et leur bêtise pendant trois décennies, s’accaparant subventions et commandes, présence obligatoire aux concerts, et porte ouverte chez Claire Chazal. Un peu comme Johnny Hallyday ou Mylène Farmer aujourd’hui – mais je dis ça pour être méchant, Fromental et Luigi étaient des génies à côté. Un peu comme Pierre Boulez alors, disons. Mais j’ai chanté du Pierre Boulez, donc je ne suis pas objectif. On verra dans un ou deux siècles si sa musique se joue encore (contrairement à celle de Johnny Hallyday ou de Mylène Farmer, oui).

Fromental Halévy était le cauchemar de Berlioz, son pire ennemi – avec Cherubini. Les deux lui ont fait la misère, l’ont humilié. Et comme les deux avaient le pouvoir, cela était tellement facile. Seulement lui avait du talent, un vrai, nouveau, et cela les insupportait.

Si j’écris sur Fromental Halévy ce soir, ce n’est pas pour une raison que je ne dévoilerai pas (et j’adore proprement cette phrase, puisqu’on ne dévoile jamais rien, on cherchera après ma mort). C’est aussi pour la perspective. En arts, bien sûr, mais pas seulement. Fromental Halévy était une grande vedette, Fromental Halévy n’est plus rien, et je ne juge pas l’homme – contrairement à Cherubini qui, lui, vraiment, était une merde. L’artiste est totalement oublié, un effet de mode, un bon réseau, ça brille un temps, et puis voilà.

La mort n’intéresse pas les gens.

Même quand elle les frappe de plein fouet, même quand elle les foudroie. Les gens continuent leur chemin, leurs mensonges, leurs conneries. Rien ne sert jamais de leçon. Même la mort n’ouvre pas les yeux.

Je lisais tout à l’heure une phrase du chanteur d’Indochine – et l’on ne parle pas de musique, là, non. Il disait, concernant les défilés anti-Mariage pour tous : “Je pense que tous les gens qui ont manifesté, ou qui sont contre ça, auront honte dans quelques années”.

Mais non, mon grand.

Il ne faut pas leur pardonner : ils savent très bien ce qu’ils font.

Ils n’en riront pas dans mille ans.

Fromental Halévy n’a pas honte. Il est mort.

Hector Berlioz n’est pas fier. Il est mort.

La vengeance est un plat qui ne se mange pas.

Ni chaud, ni froid.

Tant qu’y’a d’la vie, disait Rimbaud, vendons des armes.

TE DEUM/ De Berlioz, donc (voir photo).


Partager sur Facebook, ou sur Twitter.

Laisser un commentaire

Résumé des épisodes précédents Liens amis Doléances RSS