Débrief (#1)

Un mois, déjà, que ce blog a vu le jour. Personnellement je trouve que c’est un très chouette blog. Il fait ses nuits, il dit “papa”, il change lui-même ses couches, et quand il a faim il demande, poliment, sans pleurer, sans hurler, sans me réveiller la nuit.

Depuis que je tiens un blog, que ce soit clair, je ne suis plus le même homme. Quand on me demande ce que je fais dans la vie, par exemple, avant je ne savais jamais quoi répondre : écrivain ? réalisateur ? auteur et metteur en scène de théâtre ? C’était toujours très compliqué. Maintenant je dis “blogueur” et les gens ont l’air épatés. Ça vous pose un homme, un “blogueur”. Mais il est vrai que c’est du boulot.

J’essaie pour l’instant de me tenir à un ou deux papiers par semaine. “C’est le bon rythme, m’a dit le Général Tioum. Moins, tu ne fidéliseras pas. Plus, tu vas t’épuiser.” Je fais toujours ce que dit le Général Tioum. Si la France est envahie et qu’il part se cacher en Angleterre, par exemple, j’irai me cacher avec lui, direct. On a ce genre de rapports, lui et moi. Parce que l’idée, oui, est de conquérir le monde, ou de le reconquérir, pour être exact. Quand j’écrivais des chroniques dans la presse, il y avait un million de personnes qui me lisaient. Un vrai million de personnes. Là, le premier jour, nous avons fait 300 connectés. Ça m’a laissé pensif.

“C’est formidable !, m’a dit le Général Tioum. Tu ne te rends pas compte, personne n’est au courant! 300 personnes, c’est formidable ! Ça va venir, ne t’inquiète pas !”

Pour tout vous dire j’étais inquiet. 300 personnes ? En même temps je ne fais pas ce qu’il faut pour appâter le chaland, je ne drague pas sur Facebook, je n’envoie pas de mails à mes copains journaleux, je n’ai pas demandé à mon Jean-Phi d’envoyer un petit communiqué de presse pour dire que je reprenais mes chroniques dans un blog (tiens, d’ailleurs, Jean-Phi !?), je n’ai pas appelé mon éditeur chéri pour le prévenir, ni notre Charlotte chérie (tiens, d’ailleurs, Charlotte !?), j’ai fait ça dans mon coin, sans rien dire.

Mais le Général avait raison, ça grimpe, ça fuse, ça prend ! Nous triplons, quadruplons, tous les jours ! C’est le bonheur ! Mais je m’emporte. Et je m’en fous, surtout.

À l’âge de 20 ans, j’ai eu la chance de commencer à écrire dans la presse. Un monsieur qui est mon maître et mon ami, et qui s’appelle Alain Kruger, m’a engagé dans son journal. Je n’étais personne, juste un gamin qui écrivait dans sa banlieue, qui rêvait de devenir écrivain. J’ai travaillé avec lui dix ans, à 7 à Paris d’abord, puis à L’Autre Journal, puis à Première. Nous avons même créé quelques journaux ensemble, des journaux bizarres : Perso, ou l’improbable Infos du monde, et nous avons bien rigolé. En dix ans je ne crois pas qu’il m’ait censuré une seule fois, et je parle de milliers d’articles, ou demandé de réécrire – sauf quand c’était mal écrit, bâclé, et qu’il le repérait de son œil exceptionnel.

Une autre personne m’a engagé, quelques années plus tard, m’a fait écrire des chroniques : elle s’appelle Isabelle Chazot, c’est une personne que j’aime, même si je ne la vois plus, elle dirigeait 20 ANS. C’est mon amie Arielle Saracco qui a fait l’intermédiaire, Arielle qui n’écrit plus, malheureusement, qui est reine du monde à la télé, pourtant quelle plume c’était ! Avec Isabelle, comme avec Alain, j’ai toujours été libre. Libre d’écrire ce que je voulais, ce qui venait, avec ce risque, forcément, que certains papiers soient mieux que d’autres, ou parlent à plus de gens, que les humeurs puissent varier. Je suis comme ça, comme vous, parfois j’ai envie de rire, d’écrire des choses légères, d’autres j’ai envie de pleurer, ou bien de dire du mal, des choses bêtes ou intelligentes, des mots d’amour, des grosses conneries. Comme mon modèle dans le domaine du blog, mon Guy Birenbaum à moi, avec qui je dîne cette semaine et qui, j’espère, me donnera quelques tuyaux, même si nous traitons lui et moi de sujets différents – quoi que pas tant que ça, au fond.

J’ai la chance de ne rien avoir à écrire d’autre depuis un mois. Pas de roman, pas de scénar, pas de pièce. Ça c’est fait. Je peux me consacrer à ce blog.

On m’en parle, les premiers avis arrivent. Comme toujours ils sont contradictoires. Certains aiment quand je suis léger, d’autres préfèrent quand je suis grave – et ce, venant de personnes que je respecte autant. Il y a aussi les chiffres, le nombre de connexions, le nombre de commentaires, le nombre de “J’aime” sur Facebook. Mais de ça non plus il ne faut pas tenir compte. Il faut tailler sa route.

Quand j’écrivais dans la presse, je savais que mon travail plaisait, était très important, parce que la pub en face de mon article était une des plus chères du journal. Je me la pète, évidemment, en disant ça (quoi que… je trouvais ça un peu honteux…) mais c’est la vérité. Là il n’y a pas de pub, nous ne gagnons pas d’argent. Le Général Tioum n’a gagné pour l’instant que ma considération et ma reconnaissance éternelles – qu’il avait déjà. Il aura sa montre en diamants quand nous aurons atteint le million.

Ce blog est un espace libre, une terre de contrastes, un carrefour des rencontres (et là, normalement, Jean-Yves Katelan fait “pouf pouf”). Contrairement à des milliards de personnes dans le monde, j’ai la chance d’être un homme libre. Et je tiens à en profiter. Seulement enchaîné par son cœur, comme dirait Johnny Hallyday [note personnelle : se rappeler d’écrire tout le mal que je pense de Johnny Hallyday depuis toujours, ne pas oublier, bon sujet de chronique].

Pour le reste, donc, cela fait un mois. Les pages à venir sont blanches. Je n’ai pas de plan, contrairement à un livre, je ne sais pas ce qui va se passer, je ne sais pas de quoi demain sera fait, ce que j’écrirai dans trois jours.

Et je trouve ça très excitant.

ADDENDUM/ Je tiens à signaler aux personnes qui m’ont écrit qu’elles adoraient, le matin, prendre leur café en lisant ma chronique, que j’adorais également, pour ma part, écrire ma chronique pendant qu’elles prenaient leur café.

PS/ Sur cette photo de Fred Stucin (voir photo), qui est un génie, je serre dans mes bras Alex Beaupain, malheureusement masqué par mon corps fabuleux. J’aime énormément cette photo, et je n’ai rien trouvé de mieux pour illustrer cet article – sachant que non, je n’ai pas cherché.


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5 commentaires

  1. Richard dit :

    Formidable mon Diasto !
    mille et une bises

  2. Bichou dit :

    Oui, voilà, les chroniques dans 20 ans, notamment une qui m’avait bouleversée comme on l’est à 16 ans. C’était une chronique très très triste, je l’ai gardée dans ma boite à trucs « cocon » qui déménage avec moi depuis maintenant 10 ans.
    Puis une fois je t’ai croisé à Avignon pour le casting du « Bruit… », je n’ai pas été retenue mais je m’en fiche car je t’avais vu, avais perdu mes moyens mais t’avais quand même gratté une cigarette pour faire la maligne et surtout pour t’adresser la parole. Je ne t’avais pas dit que je t’adorais. Je t’adore et me délecte tout le temps de ce que tu produis.
    Vivement la suite et bises chaleureuses.

  3. Coralie dit :

    Cher Diastème,

    C’est en qualité de groupie émue que je viens écrire ces quelques lignes : merci pour ce blog! Je me délectais de la chronique de 20 ans quand j’en avais 15, et ensuite je suis tombée très gravement amoureuse de 107 ans. Je n’oublie jamais de citer ton nom quand on me demande mes auteurs préférés, depuis. J’ai cherché Diastème par hasard sur google, j’ai vu ce blog, et je suis joie! Enfin je vais pouvoir te lire à nouveau, moi aussi ce sera probablement au petit-déjeuner, bien que dans un fuseau horaire très éloigné. Je suis heureuse rien qu’à cette perspective, alors merci et longue vie à ce blog.

  4. Alex dit :

    J’adore aussi cette photo, mon Diastème. Ton corps est effectivement fabuleux et pour ce qui est de moi, on jurerait presque que j’ai des bras musclés. Fred Stucin est définitivement un génie.

  5. malia dit :

    Dear Diastème,
    je crois que j’avais commencé comme ça une lettre qui t’était adressée à la rédaction de 20 Ans, il y a 20 ans quand j’avais 20 ans… peut-être que je ne l’ai pas envoyée en fait, que je n’ai pas osé. Je ne me souviens même plus de ce que je racontais, mais c’était probablement pour te clamer toute mon admiration ! Quel plaisir de te retrouver !

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