En Beauté

Sans accent circonflexe, avec un “d” à la fin, c’est le vicomte-poète dont Victor Hugo avait dit : “Je veux être lui ou rien”. Écrit de la sorte, c’est une ville de 12.246 habitants, sous-préfecture de Loire-Atlantique, dont une des spécialités est le Pavé Castelbriantais, soit une entrecôte de bœuf servie sur un lit de gratin dauphinois, nappée de tomates et d’oignons confits, le tout roulé dans une galette de blé. Ce qui est moins glam. Et pas super pratique à manger, non.

Il y a deux soirs, j’étais donc à Châteaubriant pour assister à la première date de la nouvelle tournée d’Alex Beaupain, à quelques jours de la sortie de son troisième album, “Pourquoi battait mon cœur ?” (Naïve) – le 12 avril dans les bacs.

C’est difficile de parler d’un ami, de quelqu’un que vous aimez profondément, personnellement, quelqu’un qui fait partie de votre vie de façon si intime. Cela m’arrivera dans quelques mois, quand je devrai parler de Christophe, quand son film magnifique sortira, mais pour l’instant c’est Alex, même si, sans Christophe, pas d’Alex dans ma vie.

C’est lui qui me l’a fait rencontrer, d’abord professionnellement. Il m’a fait écouter une cassette, sa première. C’était il y a bientôt quinze ans. Alex était tout jeune, il démarrait. Je n’ai pas tellement aimé cette cassette, ce n’était pas mon goût à l’époque, trop Jacques Demy pour moi. Christophe était un peu navré, moi aussi. Pourtant les chansons étaient bonnes, le projet s’appelait “Swimming pool“, c’était bien avant le film d’Ozon. Et il y avait parmi elles Le cimetière des étoiles mortes, qui est devenue depuis une des mes chansons préférées au monde, que nous avons chantée sur scène lui et moi – je le dirai à mes petits-enfants, ou j’espère que quelqu’un leur dira. Comme quoi il ne faut pas toujours se fier aux premières impressions. Comme quoi on peut changer d’avis.

Je pensais à cela vendredi soir, au milieu de cette grande salle pleine, de tous ces gens enthousiastes, en regardant mon Alex faire son beau sur la scène.

Il s’en est passé, en quinze ans, nous nous sommes rencontrés, puis plus jamais quittés. Nous avons vécu de nombreuses choses ensemble, le pire comme le meilleur, ce qui lie à jamais. Et Alex est devenu mon chanteur préféré, mon auteur-compositeur préféré, le meilleur en ce moment selon moi. Et mon avis importe autant qu’un autre, et le fait que nous soyons amis n’y change absolument rien, n’altère pas mon jugement, quoi qu’on puisse en penser.

Comme il m’arrive, dans ces pages, de citer des écrivains, des poètes – d’ouvrir finement sur Chateaubriand, je pourrais vous citer l’intégralité du nouvel album d’Alex Beaupain sans que cela dénote. Pourquoi battait mon cœur, À nos amours, Je réponds toi, Avant la haine, Au départ, pour ne citer qu’elles. Ces chansons sont des chefs d’œuvres, au sens artisanal du terme. On n’y peut rien changer, pas le moindre mot, pas la moindre syllabe, pas la moindre note. C’est d’un niveau exceptionnel, du Barbara, du Ferré, du Souchon de la très grande époque, de ce niveau-là. J’écoute cet album en boucle depuis qu’il me l’a donné, et j’irai en acheter quelques-uns le 12 avril, pour les offrir, comme on offre un roman qu’on aime, comme on envoie des fleurs à celle que l’on chérit.

La semaine à venir risque d’être riche. Peut-être vais-je disparaître quelques jours, peut-être pas. Je vous laisse en bonne compagnie.

ADDENDUM/ Alex Beaupain en concert, pour les parisiens, c’est le 23 mai à la Cigale. Je serai dans un coin au fond, vous me reconnaîtrez facilement, j’aurai un sourire béat au visage et l’air du type fier de son pote.