Un Festival

Ainsi je vais retourner deux jours à Cannes accompagner Christophe. Depuis 1998, à part pour du théâtre, je ne suis retourné à Cannes qu’avec lui, pour 17 fois Cécile Cassard, Dans Paris, Les Chansons d’amour, et maintenant pour Les Bien-aimés.

Je pourrais écrire un livre sur ce festival, en fait, un recueil d’anecdotes ou d’histoires. Je l’ai couvert cinq années de suite dans des conditions luxueuses – c’était l’époque où les journaux avaient de l’argent, du pouvoir. Nous avions de belles villas, de belles piscines, de belles petites plages privées. Les stars venaient à nous, fêtes et dîners Première chaque soir, carte blanche et le toutim. Je n’ai aucune nostalgie de cette époque, j’y pense avec un petit sourire, comme si c’était un autre.

Une personne que j’aime, et qui déteste ce blog, me reproche de tout le temps la ramener, de me vanter, de bien trop parler de moi. J’ai beau lui expliquer que parler de soi est le principe d’un journal intime, j’ai beau faire attention, là elle va être servie.

Il y a eu les vedettes, bien sûr, les incongruités qui n’arrivent que là-bas, faire chevalier servant de Kylie Minogue à l’inauguration du Planet Hollywood, se faire réveiller par Tim Roth, qui hurle votre nom dans votre chambre (je n’avais pas entendu le réveil, j’ai entendu Tim Roth), danser avec Nanni Moretti, se cogner dans Mick Jagger, faire la vaisselle avec Kaurismaki, boire un Pastis avec Arthur Penn, être présent sur cette plage le jour où Emir Kusturica décida d’aller saluer Francis Ford Coppola.

Une histoire que j’aime bien.

Le réalisateur d’Underground avait déjà deux Palmes d’Or à son actif, celui du Parrain également. Emir s’avança, brava la foule de photographes et journalistes, et alla chaleureusement serrer la main de Francis. La rencontre n’était pas prévue, ils se croisaient là par hasard. Coppola répondit à la chaleur de son salut avec un grand sourire, puis il se tourna vers son attaché de presse, et lui posa cette question, que j’entendis clairement : “C’est qui ?”

À Cannes, on est toujours le con de quelqu’un.

Mon directeur de casting me rappelait hier qu’à Cannes, les gens ne vous regardaient jamais dans les yeux lorsque vous leur parliez. Ils regardent derrière, autour, sur le côté, pour voir s’il n’y a pas quelqu’un de plus important que vous à qui parler.

Pour autant, mes meilleurs souvenirs de Cannes n’ont rien à voir avec les vedettes, ou avec les films. Nous n’adorions rien tant, par exemple, avec Alain et Jean-Yves, qu’aller faire les courses pour l’équipe et les invités au Carrefour de Mougins à la veille du début des agapes, remplir les gros caddies de boissons et de victuailles, puis, le travail accompli, savourer un verre de rosé frais à la tombée du soir, en regardant la baie au seul son des grillons. Je me souviens aussi des concours de pétanque acharnés entre l’équipe Première et celle de Diaphana. Les scores étaient serrés, ils jouaient bien les bougres. Ou cet improbable périple maritime où je m’étais laissé entraîner, pour aller assister à la fête des Hot d’Or sur un paquebot moldave, avec les marins ivres-morts qui jetaient des coupes de Champagne sur le canot où nous étions. Je me souviens surtout, au retour de ce carnage, avoir retrouvé Marie Trintignant, qui séjournait dans notre villa, et qui était la seule éveillée. Nous avons attendu que le jour se lève, affalés sur deux transats, en fumant je ne crois pas du tabac. Plus récemment, rien ne m’a tant ému que ce club-sandwich et ce coca-cola de room-service que nous avons mangés et bus avec Christophe à quatre heures du matin dans sa chambre du Noga-Hilton, après la projection et la fête de Dans Paris. Nous en reparlons des fois.

Mis bout à bout, j’ai compté que j’avais passé plus de 180 jours, plus de 180 nuits, au festival de Cannes. Six mois de ma vie. Sachant que la vie compte double à Cannes, puisqu’on n’y dort jamais. Je me rends compte que c’est beaucoup, trop, et deux nouveaux jours m’y attendent, deux nouvelles nuits.

Plein de choses à vous raconter j’espère.

ADDENDUM/ Je ne suis pas toujours grand fan des affiches du festival de Cannes, je trouve celle-là splendide. Elle me rappelle des photos du grand Richard Schroeder que j’ai vues récemment, et que j’aime énormément (les photos et Richard).


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2 commentaires

  1. « Je pourrais écrire un livre sur le festival »: belle idée, en plus, t’as déjà le titre « À Cannes, on est toujours le con de quelqu’un. » Ca sonne bien, non?
    Ca parlerait d’alcool assurément, d’amour sûrement, ou de la mort qui sait. Le compte est bon…
    Profite, bien sûr, mais fais croustiller l’anecdote à ton retour!
    Des bises.

  2. Flo Dauch dit :

    t’as raison, Diasto, sur Cannes et aussi sur le Schroed. Il y a de la magie dans ses images parfois.

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