Rue des Teinturiers (part 2)

Camarade festivalier mon frère, je te connais si bien. Tu erres de pavé en pavé, la tong lasse, le pantacourt exsangue, tu n’en peux déjà plus de ce mistral, de cette chaleur. Tu te serais bien arrêté boire un Pac à l’eau place des Corps-Saints, mais il n’y avait plus une seule table de libre à l’ombre. Saleté de festival. Tu regardes ta montre : 14 heures, et L’Esclave qui n’ouvre qu’à minuit ! Quoi faire ? Retourner rue des Teinturiers, prendre une salade à La Salsa, ou aller au théâtre ?

Tu t’es couché pourtant bien tôt : six heures du matin. Le sandwich à l’entrecôte des Halles t’avait très bien revigoré. Il faut savoir être patient, attendre l’ouverture du marché, mais tu es un habitué, maintenant, aucun bon plan ne t’échappe, tu connais Avignon comme ta poche. Tu as très mal dormi, transpiré comme un veau, les parades t’ont réveillé à dix heures. Citrate de bétaïne, Doliprane, Ginseng et Oméga 3 en gélules. Il faut tenir, le festival a à peine commencé, il ne faut pas que tu collapses. Se reprendre en main, voilà.

Bar du in, bar du off, Delirium, Esclave : terminé ! Les bonnes résolutions t’assaillent tandis que le roi Kamel pose une belle salade devant toi. Tant de spectacles, tu te dis, tant de spectacles ! Mais ne sois pas perdu, ami, frère, camarade, voilà ce que tu vas faire.

Ce soir, à 20h40, au théâtre Essaïon, place des Carmes, tu iras voir Une envie de tuer sur le bout de la langue, de Xavier Durringer. Le spectacle est mis en scène par Andréa Brusque, et il y a parmi les comédiens Simon Fraud, et Justin Blanckaert – que tu connais, mais si, il jouait dans La Nuit du thermomètre, avec Andréa, oui, mis en scène par Damien, et il avait fait la tournée des Justes avec moi. Ce sont des comédiens incroyables – les autres le sont aussi ; et le spectacle est d’un niveau comme on en voit rarement. J’ai assisté à un filage à Paris il y a moins d’une semaine, fais-moi confiance, dans quelques jours on ne parlera plus que d’eux. Et tu pourras te vanter de l’avoir vu avant les autres, comme disait Marchalou dans Le Bruit.

Finis vite ta salade, camarade, avale un petit café, et remonte jusqu’au Chêne Noir. Tu ne peux pas te tromper, c’est tout droit. Va voir à 15h30 Ce Jour-là. C’est un spectacle écrit et mis en scène par Salomé Lelouch, avec l’immense Rachel Arditi dedans. J’ai vu une étape de travail il y a un mois ou deux, cela va être de la balle. Le texte est très très bien, drôle et touchant à la fois, et Rachel, sur une scène, est une grande chose à voir.

Ensuite tu feras comme elle, tu fileras vers le théâtre des Halles pour y être à 19h, pour y voir Vernissage, de Vacláv Havel, mis en scène par l’épatant Adrien de Van. Tu y reverras Rachel, oui, mais aussi mon Bertrand, Bertrand Combe, que tu as vu si souvent dans mes pièces, et qui est mon ami. Le spectacle se terminera à temps pour que tu files à l’Essaïon. N’est-ce pas une journée bien remplie ? N’est-ce pas un programme bien fait ?

Demain, les jours suivants, tu iras voir La Maitresse en maillot de bain aux Béliers, parce que je l’ai vu, parce que j’ai adoré, parce que Ludivine de Chastenet et Fabienne Galula vont te faire rire pendant plus d’une heure – Jacqueline Maillan et Sophie Desmarets, tu te souviens ? Comme tu auras aimé Mikaël Chirinian dans Vernissage, va le voir dans Rapport sur moi aux Ateliers d’Amphoux. Le spectacle est mis en scène par Anne Bouvier et, là aussi, fais-moi confiance, tu adoreras. Comme tu aimes la musique et l’humour, tu iras aussi au Petit Louvre, voir Violoncelle sur canapé, qu’a mis en scène Damien Bricoteaux, mon Damien, que je ne te présente plus. Et comme tu aimes Claudel tu iras voir L’Echange, avec Grégori Baquet, au théâtre La Luna. Tu feras une bise pour moi à son frère Stéphane en passant, qui a mis en lumières mes spectacles, tu lui diras que je l’aime.

Mais j’en oublie sûrement, je te dirai, je ne te lâche pas. Je suis de tout cœur avec toi.

ADDENDUM/ Amis gnonnais, amies gnonnettes, je vous envoie cette petite carte postale de Paris. Ici le ciel est bleu, je travaille bien, je viens vous voir bientôt. PS : Vous me manquez terriblement.


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3 commentaires

  1. karine dit :

    ça a l’air épuisant! 😉 bises k

  2. christe dit :

    Voilà ! Je voulais vous dire merci. Merci parce que vos billets sont des pépites d’intelligence, ils résonnent souvent en moi et ouvrent un chemin vers…
    Et merci encore parce que voilà deux jours que je savoure l’instant précieux de ma programmation, et cette année, je me laisse un peu prendre la main dans cette cohue d’Avignon : je viens donc de réserver les spectacles que vous aimez. Nous aurons de quoi échanger, ensuite, sur l’échange, Vernissage, Une envie de tuer sur le bout de la langue, ce jour-là, et la maîtresse en maillot de bain…
    J’aime aussi tellement la lecture du catalogue, le matin, dans le jardin de l’hôtel, l’oreille tendue, l’air de rien, aux terrasses des cafés, les conseils-clin d’oeil entre festivaliers dans les files d’attente, que je me laisse quelques plages libres dans mon marathon théâtral.
    Le plaisir se trouve parfois au détour d’un instant suspendu… Je serai attentive et vous souhaite de le trouver quelquefois.

  3. aurélien dit :

    Pourquoi n’ai-je pas l’idée de consulter tous ces bons conseils avant de rentrer d’à-Avignon ?

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