Le mois doux

Il a plu et fait du soleil en même temps tout à l’heure, place Pereire. C’était joli.

Les rues de Paris sont désertes, les magasins sont vides de monde. Pourtant on fait la queue autant. Toutes les caissières sont en vacances.

Les fenêtres sont toujours ouvertes, les voitures ne gênent plus jamais. Les bruits surprennent, les coups de klaxon, les gens bourrés qui hurlent au soir. Comme si ils n’étaient pas de saison.

On regarde les photos, celles qu’envoient les amis. J’ai toujours adoré qu’on m’envoie des photos. Les copines à la plage, avec des coquillages, ou bien dans un jardin, les pieds croisés sur un transat, devant une piscine. La baie de Saint-Jean-du-doigt, de Kersidan, de Sydney, l’Italie ou la Normandie. “Il ne manque que toi !”

Il y a l’anniversaire de mon père, je l’invite au restaurant d’ordinaire. Nous trouvons toujours de la place. Cette année ma sœur était là, nous avons déjeuné chez lui, avec mon neveu et ma nièce. Planté un laurier rose au balcon.

Il y a le téléphone qui ne sonne pas, et quand il sonne ne pas répondre. Cela ne dure pas très longtemps, deux semaines tout au plus. Se permettre de ne pas décrocher quand il sonne, personne ne se vexera, on rappellera passé le quinze août, quand les gens seront rentrés.

Ranger des choses, marcher dans les rues alentour, prendre quelques saines décisions. Ne voir que très très peu de personnes, quelques irréductibles, quelques échoués là par hasard, quelques siens en transit.

Ne pas parler, cure de silence, très bien écrire. Puis partir en septembre, fin septembre, quand tout le monde est rentré. Maison du sud, bord de la mer, arrière-saison. L’eau est plus chaude, elle donne envie. Il n’y a personne. Été indien.

S’asseoir à une terrasse, commander un café allongé, allumer une cigarette, donner du feu à un allemand. Penser à arrêter de fumer, penser à ce temps qui nous reste, penser à l’année qui arrive. Penser à la vie, à la mort, aux gens qu’on aime et qui sont loin. Penser à tout ce qu’on a raté, au peu que l’on a réussi, penser aux travaux qui arrivent, à ceux qu’on va mettre en chantier. Jauger leur importance et leur difficulté, envoyer un texto à quelqu’un que l’on aime, simplement pour lui dire qu’on l’aime, et qu’à Paris il fait très beau. Mentir un peu. Puis retourner à son roman, à sa pièce, son scénar. Se dire que l’été passe si vite, le mois doux.

Ne pas se tenir informé, ne rien savoir du monde, ne pas regarder internet, ou facebook, ou twitter. Se laver les yeux et l’esprit. Ne pas penser que tout ça est vain, tellement stupide. Ne pas penser à son métier, ne pas se dire qu’il est aussi vain, aussi stupide. Caresser ce qu’on a sous la main, des fesses ou des espoirs, des envies, des petits bonheurs fugaces. Se sentir tellement triste soudain, se sentir tellement vide. Surtout quand on rentre d’Avignon. Ce qui m’arrive souvent. Ce qui m’arrivera encore. Ou pas. Peut-être.

Lire un livre de Laurent Fignon, un livre acheté à Monoprix, première fois que cela nous arrive. Le livre était là, à la caisse, on l’a pris et on l’a feuilleté. J’aime ce livre de Laurent Fignon, je n’ai même pas honte, j’apprends des choses, cela m’intéresse. Je me suis tellement moqué du cyclisme, et pourtant je l’ai tellement suivi. Une amie m’a dit ça récemment, étonnée : “Tu aimes le sport, toi !?” Oui. J’ai toujours aimé ça. Je trouve ça beau à regarder, beau à suivre, compliqué. Mais il n’y a pas de sport au mois d’août, la première quinzaine du mois d’août, la seule qui m’intéresse, et qui s’achève demain.

Fermer la parenthèse, reprendre l’exercice. Rallumer son téléphone, réserver un cours de tennis.

Acheter un vélo.

ADDENDUM/ J’avais oublié, ces dernières années, combien j’avais aimé Mike Leigh. Je crois que je l’aimais moins, je m’en foutais un peu. Et puis j’ai vu “Another year” en DVD hier. Intelligence et bonté, magnifique. Votre programme cinoche pour les huit jours à venir : aller voir “Les Bien-Aimés” dans les salles le 24, regarder “Another year” en DVD. Avec ce blog, et hop, plus besoin de Pariscope ! (je plaisante, Marie-Céline, je plaisante)


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6 commentaires

  1. Marie dit :

    Lecture de ce billet troublante:expression exacte de mon ressenti à cet instant précis!
    Un mélange de chaos et de douceur…

  2. karine dit :

    Je veux pas que ça s’arrête, je ne veux jamais que ça s’arrête.. k

  3. Guillerminet dit :

    Et Leprest,t’en fais quoi de Leprest?

  4. catichoufol dit :

    chaleur accablante, supermarchés bondés, tarés rougis puis écarlates, ,embruns supplantés par effluves de frites le 15 aout à ST RAPHAEL un bonheur à consommer sans modération …

  5. arles, rien que de prononçer le nom tu entends déjà le chuchotement discret des cigales, voir l’exposition du grand Robert Capa, sur la guerre d’Espagne, des contacts qu’il à perdu quelque part et qu’on a retrouvé au Mexique; 3O ans
    plus t.ard. , d’où le titre de l’expo, la valise mexicaine. Boire du rosé avec son amoureux et ne penser à rien. Deux jours après à Londres, la ville me séduira touours, même vide, juste avant les émeutes. La presse avait un jour ironisé en écrivant que les anglais ne descendaient dans la rue que pour soutenir les animaux. Ces braves flic anglais si classe, sont quand même des flics, sauvages.cela me fait penser à Ken Loach, le Front populaire et les émeutes…. voilà quelques flashes de vacances minuscules, je retrouve mon quartier, les coiffeurs africains du bld de Strasbourg, il faut que lise le nouveau livre d’Edgar Morin viva la rentrée. Ciao. Mireille.

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