Un baiser

Je venais de terminer l’écriture d’une note d’intention, j’ai allumé la télévision pour regarder un film, quand je suis tombé sur le débat télévisé des primaires du PS.

Martine Aubry disait qu’elle voulait rassembler la gauche et les démocrates, qu’elle voulait être présidente de la république, que c’était son ambition. François Hollande, au second plan, avait l’air très sérieux, un peu rouge. Mais c’était la fin du débat.

Le présentateur a dit qu’il y aurait sans doute un second débat, un duel, en fonctions des résultats, il a salué les téléspectateurs, et le générique a commencé à défiler sur la moitié droite de l’écran – de l’autre côté, à jardin, un plan fixe des six candidats, derrière leur petit pupitre. François Hollande, au milieu, a serré avec un large sourire la main de Jean-Michel Baylet, puis celle d’Arnaud Montebourg. Il a embrassé Martine Aubry, à sa gauche, s’est approché de Manuel Valls, lui a serré la main, puis il s’est approché de Ségolène Royal et lui a, à elle aussi, serré la main. Fin de l’image et du générique.

C’est quand même bizarre de serrer la main de quelqu’un avec qui on a vécu, dormi, pendant près d’une trentaine d’années, avec qui on a eu quatre enfants. Je ne cherche pas du tout à être vulgaire, provocateur, ou je ne sais quoi, mais ces personnes ont dû s’embrasser à peu près toutes les parties de leurs corps, eurent dans la bouche, sur leurs lèvres, des milliers de fois le sexe de l’autre, se sont sucer la langue, pénétrer les organes, goûter les sécrétions, et ils se serrent la main.

Il y a ça chez certaines personnes, j’en connais, un refus, un rejet, un oubli. Nous avons été fous amoureux, nous avons baisé comme des lapins pendant des mois, voire des années, nous avons été très très loin dans les jeux sexuels, nous avons aimé ça, mais maintenant nous sommes séparés, donc ça n’existe plus, n’a jamais existé, donc faisons-nous la bise, ou serrons-nous la main.

Je trouve ça étrange.

En même temps, je peux comprendre aussi que François Hollande et Ségolène Royal ne se roulent pas une grosse pelle devant les caméras de France 2 en souvenir du bon vieux temps. Mais de là à se serrer la main… Même avec Martine Aubry, même elle : ils se sont embrassés.

Un de mes amis, il y a longtemps, m’avait appris comment repérer les couples adultérins dans une soirée – ceux qui essayaient de cacher qu’ils avaient une histoire : ils ne s’appelaient jamais par leur prénom. J’avais trouvé ça ridicule, puis je l’ai observé, constaté, il avait tout à fait raison. Drôle est la façon, aussi, dont les anciens amants s’embrassent. Une bise, deux bises, quatre bises, ou se serrer la main. Avec cet embarras, ce “faisons vite”, “allez hop”, sans respirer, sans se regarder. Il y a des caméras donc on se serre la main. Ou des amis nous regardent donc on se fait deux bises.

Les femmes que j’ai vraiment aimées, j’ai toujours envie de les embrasser sur la bouche. Même si l’histoire est terminée. Certaines je pourrais même les embrasser ailleurs, mais c’est une autre histoire. Je ne pourrai jamais leur serrer la main, je préférerais ne plus les voir. C’est tellement triste. Déni glacial, haine à trois balles.

Je ne pense pas qu’on puisse haïr vraiment quelqu’un qu’on a “vraiment” aimé. La blessure peut être béante, faire atrocement souffrir, voir la personne peut être un choc, une douleur, un chaos, surtout dans leur situation, mais on ne peut pas aimer près de trente ans quelqu’un, lui faire quatre enfants, vivre avec cette personne, dormir plus de 10.000 nuits avec elle, mélanger sa sueur, son sperme et sa cyprine, et puis “bonjour monsieur le baron”, “bonsoir madame la marquise”. Qui sont ces gens ? Ils sont communs, en plus, je sais. Mais qui sont-ils ? Quels êtres humains sont-ils ? Des robots ? Des sans-cœur ? Des teubés ?

Ce papier n’a pas de chute, c’était un sentiment. Un petit commentaire d’image, une réaction à chaud. Ce sujet vaudrait plus, mieux. Reparlons de ça plus tard.

ADDENDUM/ Pour les plus parisiens d’entre vous, ce samedi, 15h45, à la Fnac Saint-Lazare. Venez voir mon Alex en show-case. Je serai quelque part dans un coin.


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5 commentaires

  1. Michaèle dit :

    Je l’aime bien moi, ce papier, cette réaction, ce sentiment. C’est comme monter à la cuisine à 1h du mat’ pour prendre un verre d’eau, une pomme… et de voir surgir ma fille, mon mec, (mon chat?), en quête d’une pomme, d’un verre d’eau… « T’as vu… ils se sont serré la main! Dingue, non?… »
    Pas besoin de chute. Juste sourire en se mordant la lèvre.

  2. stéphanie dit :

    PAS MIEUX !!!

  3. gatlink dit :

    « Je ne pourrai jamais leur serrer la main, je préférerais ne plus les voir. »

    Peut-etre que c’est exactement leur cas, mais qu’en raison de leur carrières si proche l’une de l’autre il ne peuvent pas se le permettre, et se résigne donc à une poignée de main, là où ils auraient préférer simplement ne pas se voir.

    J’aimerais rajouter que chacun à sa propre façon de réagir, et que si pour vous il est impossible de haïr une personne un jour aimée, sachez que d’autres auront surement des réaction qui leur sont propre.

    Et ils ne seront pas forcément sans coeur, robotique ou débile.

    Aussi bien écrit qu’il soit, votre billet m’a semblé quelque peu égocentrique, dans la façon que vous avez de dire que votre réaction est la seule qui soit valide…

  4. mireille aranias dit :

    Il y a pire. Segolène Royal a dit à un journaliste : pouvez vous me citer une seule action positive de François Hollande en 30 ans de vie politique. Du pain béni pour Sarkozy aux prochaines sélections. Ségolène lui en veut terriblement, il l’a trompé et il a réussi à entrer dans son créneau, être président et en plus il est le mieux placé. elle ne se rappelle même plus qu’elle aimé ce type. J’ai eu des amants qui sont restés mes amis et d’autres, rien du tout, plus le moindre bisous. Je dirais comme le chantaient les Rita Mitsouko : « on a pas que d l’amour on a aussi de la haine…… Bacci. Mireille

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