Rickie

C’est étrange, au fur et à mesure que ce journal avance – bientôt un an, et je m’étais dit que j’arrêterais au bout d’un an – je me rends compte que j’en reviens toujours à la musique. Le théâtre, la politique, le cinéma, la religion, d’autres grands sujets m’intéressent, m’habitent, m’amusent, me tirent les vers du nez, mais je reviens toujours vers elle, comme je reviens toujours vers Rickie – je suis le garçon le plus fidèle en amour que je connaisse.

Il y a eu le concert d’Alex au Bataclan hier, qui était magnifique, mais j’ai déjà “couvert” cela ; il y a eu ces petits retours sur mon papier précédent, qui n’était qu’un papier, une humeur, une drôlerie, mais j’ai dit que je ne commenterai pas les commentaires – chacun écrit ce qu’il veut sur ces pages, l’expression y est libre et elle le restera ; en ce qui concerne Léa Drucker, elle m’a dit avoir une pièce à Paris en janvier, si ce blog existe encore à cette date, je grouperai donc hagiographie et promotion ; quant à cette autre doléance, mon avis sur “The ballad of Genesis and Lady Jaye”, il faut d’abord que je vois le film, qui donne assez envie, d’ailleurs. Je vais m’y employer.

Pas de sujets, donc, pas d’idées – cela viendra quand ça viendra, et cela est venu, comme toujours, tard dans le nuit. Je regardais arte.tv sur le net, l’émission de Manu Katché “One Shot Not”, vraiment bonne émission de musique, dont Rickie était l’invitée du soir.

Rickie Lee Jones est mon idole, la plus grande chanteuse vivante, la plus grande artiste féminine vivante, tout art confondu, je ne discuterai même pas. Cela fait maintenant trente ans qu’elle enregistre des albums, et qu’elle donne des concerts, que des gens comme moi l’adulent de par le monde.

Voilà ce qu’elle dit, dans cette émission, assise sur un canapé, avec un petit sourire, voilà ce qu’elle raconte :

“Je suis satisfaite de ma vie. J’aurais aimé avoir une personne qui m’aime, qui m’attende le soir à la maison. Si je pouvais réécrire le scénario je crois que je demanderais ça. Mais je suppose que j’étais faite pour la musique. Si j’avais eu cette personne, je ne sais pas, je pense qu’au lieu de rester dans ma bulle, elle m’aurait obligée à sortir, à me bouger. Parce que c’est dur de vieillir et d’être pauvre. J’ai peu d’argent, je vis dans une petite maison. Les meilleurs moments de ma vie c’est quand je pars jouer, ou quand je fais de l’équitation ! Mon manager me dit que les disques ne rapportent plus, et que le seul moyen de gagner de l’argent ce sont les tournées.”

“J’ai 55 ans, j’ai enterré ma mère il y a deux ans. Je n’ai plus ni père ni mère. Ma fille a 21 ans. Je dois la laisser partir, c’est dur. Parce que je suis une mère célibataire. Je crois que mon histoire ressemble à celle de chacun, à peu de choses près. Je fais chaque disque pour une raison différente. Dans celui-ci, je voulais parler aux miens. J’aime écrire des chansons qui ressemblent à des ponts, qui racontent une histoire.”

Puis elle se met à chanter une chanson, avec un bonnet noir, une chanson écrite par son père, un jazzman, dans les années 50. La chanson s’appelle The Moon is made of gold, et j’écoute cette chanson, que j’ai déjà écoutée mille fois, je regarde cette vidéo. Je ne pense pas à la politique, à la religion, je pense pas au cinéma ou au théâtre, je ne pense pas à l’injustice, je ne pense pas à Céline Dion, je ne pense même pas à la musique, je pense à la poésie, à la grâce, à l’amour, je pense aux seules choses importantes dans cette vie. Je pense que j’aime cette femme et que je l’aimerai jusqu’à ma mort. Je pense qu’il y a des gens, comme ça, des certitudes, qui vous bouleversent, qui vous saccagent, qui vous emplissent, qui font de vous quelqu’un de mieux – vous élèvent, vous éprouvent, vous rendent beau. Pourquoi celle-ci, pourquoi celle-là, nul ne le saura.

Et je pense à “La Nuit du thermomètre”, aux chansons de Rickie Lee Jones qui ouvraient et fermaient la pièce, à Emma dans sa nuisette, devant cette fenêtre de théâtre à cour, dans ce contre bleu, sur ce lever de rideau. I’ll be seeing you, elle s’appelait, la chanson.

ADDENDUM/ Prenez 5 minutes et 3 secondes de ce dimanche pour voir Rickie Lee Jones chanter The Moon is made of gold. C’est ici, regardez. C’est une chanson qui vous nettoie, qui rend beau.


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3 commentaires

  1. Carine dit :

    Ce soir, ou en 92 comme sur votre lien, la voix est la même, l’émotion aussi.
    Je pense aussi qu’il y a des personnes qui traversent nos vies et la changent. Que la rencontre nous fasse arborer un sourire pendant plusieurs jours ou nous donne une claque qui assomme, ça a déjà commencé. Les jours qui suivent, on ne se reconnait plus trop. On se recroise, et ça nous regonfle pour 6 mois. Le chemin se modifie, la destination se dessine mieux. On est soi-même, tout simplement. Nos vies sont plus belles après eux et grâce à eux. Le comprennent-ils dans les « merci » ou les « we love you (Rickie) » avant la chanson?
    Quant à l’arrêt de votre blog, ce que disait la mère de Madeleine à celle-ci me paraît de circonstance.
    Bon week-end à vous.

  2. karine dit :

    aïe, ça déménage, j’ai la chair de poule! sa voix, pfff…
    sinon, j’ai vu Comment Savoir! Etonnant, c’est dingue, les dialogues, on sait jamais où ça va aller, c’est toujours décalé… il est bien Paul Rudd!
    merci
    bises
    k

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