Une image
Un blogueur que je ne connais pas et qui s’appelle Christophe Courtois a fait un travail remarquable, et très drôle, concernant les affiches de films – travail que j’ai découvert via Facebook, et que vous pouvez regarder ici, ou là. Il se trouve que je viens de passer quelques nuits à travailler sur une affiche, celle de ma prochaine pièce, qui verra le jour en janvier (je laisse un peu de suspense, oui).
Il se trouve également que j’aime faire des affiches – c’est une activité que j’ai découverte il y a des années via la presse, quand j’ai appris à me servir de QuarkXPress, quand j’ai commencé à maquetter moi-même des sujets. Je peux ainsi me targuer d’avoir été “directeur artistique” d’un journal, “Infos du Monde” cela s’appelait – je suis sûr que certains s’en souviennent. Je signais Patrick Audra, et c’était très très moche, mais c’était fait exprès.
J’ai toujours été extrêmement attentif, voire très chiant, sur les images accompagnant mon travail. J’ai toujours su ce que je voulais, ou presque. Je me souviens, par exemple, avoir moi-même apporté cette vieille image de boxe aux Éditions de l’Olivier pour “Les Papas et les mamans”. Je nous revois, il y a plus de dix ans, avec mon Richard Schroeder, en train de faire la première affiche de “La Nuit du thermomètre”, celle pour Nice (qui est sur la couverture du livre), dans la chambre qu’occupait Emma rue Godefroy Cavaignac. J’avais eu cette idée de son cou et son épaule en nage, dans cette lumière de fête foraine. L’affiche était très belle mais nous l’avons refaite pour Paris – mon producteur m’ayant expliqué calmement que c’était peut-être mieux, en terme commercial, de voir les visages des comédiens sur l’affiche (ce que je compris très vite, avant la fin de sa phrase). Richard a donc refait ce beau portrait des deux, qui était somptueux sur les colonnes Morris.
J’aime travailler tout seul, mais j’aime aussi me faire aider par des graphistes de talent : Charlotte Clergier pour “La Tour de Pise”, Pierre Barrière pour “L’Amour de l’art”, Riton Dupire-Clément pour “Les Justes”. J’ai une idée, j’appelle mon Richard, nous faisons l’image, puis nous la travaillons avec le graphiste. C’est une activité que j’adore, je peux passer des heures dessus, il faut que tout soit parfait à mon sens, il faut que j’en sois fier.
Je fais partie de ces gens qui n’iront pas voir un spectacle ou un film s’ils trouvent que l’affiche est très moche. S’il n’y a pas de soin, de beauté, d’originalité sur une affiche il ne peut pas y en avoir dans la pièce ou le film – si le metteur en scène laisse passer ou choisit une affiche aussi laide, c’est qu’il n’a pas le sens de l’image et devrait faire un autre métier. Et je ne me souviens pas d’exception à la règle. Et je suis affligé souvent.
Pour la prochaine pièce, par exemple, j’ai fait vingt sept versions de l’affiche. Ce qui est beaucoup trop. Les photos de Richard étaient magnifiques, du coup j’en ai essayé plein, qui ne serviront à rien, que je mettrai peut-être un jour sur ce site, si cela amuse quelqu’un de les voir.
Parfois l’idée de l’affiche vous vient tout de suite, à l’écriture, parfois l’on ne sait pas. Pour “Le Bruit des gens autour”, par exemple, je ne savais pas, et j’avais d’autres problèmes à régler. L’image est arrivée vers la fin du tournage, après une très très grosse journées. Huit heures que les comédiens faisaient les cons dans cette piscine glacée, fouettés par un vent gelé, dans leurs vêtements mouillés, sous cette pluie de cinéma. Il ne nous restait plus qu’un seul plan à tourner, une image inutile à l’histoire, pourtant écrite dans le scénario, une vue aérienne de la bande enchevêtrée dans la piscine. La journée avait été rude, les comédiens étaient épuisés, j’avais dépassé d’une bonne heure. On vint me voir pour me demander gentiment de ne peut-être pas tourner ce plan. D’ordinaire j’aurais dit d’accord, “fin de journée”, allez tous vous sécher. Mais je n’ai pas dit ça. Un instinct – quelque chose, m’en a empêché. Nous quittions ce décor le soir-même, je voulais cette image, compliquée à tourner, je ne savais pas pourquoi.
J’ai demandé à l’équipe technique de monter le petit échafaudage pour y planter la caméra, j’ai réuni les comédiens sur l’herbe à pour composer le tableau, vite chercher les bouées, le matelas pneumatique, les boudins et les palmes. Ils ont été bons camarades, s’y sont prêtés de bonne grâce, dans leur peignoir, gelés, certains claquant des dents. Puis ils ont remis leur costume, ont recomposé le tableau dans l’eau, nous avons relancé la fausse pluie. Je suis monté sur l’échafaudage, j’ai regardé dans l’objectif : je me souviens m’être tourné vers Philippe, mon chef op’, pour lui dire ben voilà, c’est l’affiche.
Vrai petit moment de grâce, ou de chance, tellement inattendu.
Six mois plus tard, je me suis retrouvé dans une réunion avec les producteurs et les distributeurs de mon film. Ils avaient engagé une agence, pour faire l’affiche, et nous découvrions les projets. Parmi ceux-ci, il y avait une affiche que j’avais faite moi-même, celle de mes comédiens dans la piscine, avec cette typo, du Gill Sans Light, avec laquelle nous avions écrit le scénario. Les projets étaient de qualité, l’agence avait bien travaillé, ce n’était ni médiocre, ni minable, ni copieur, comme les affiches que pointe Christophe Courtois dans son blog. Mais ce n’était pas mon film, tout le monde en convînt rapidement, et nous avons choisi la mienne. Vous comprendrez très facilement qu’elle soit devenue, depuis, l’affiche de film que je préfère au monde.
ADDENDUM/ Cette maniaquerie – disons ce soin – ne se limite pas à l’image. Christophe se moque depuis quinze ans de cette manie que j’ai de ne pas pouvoir commencer un travail d’écriture sans avoir préalablement trouvé la typo et le corps adaptés à l’ouvrage – partant du principe (discutable, je l’accorde) que l’on n’écrit pas de la même manière avec du Futura ou avec du Courier (en ce moment, pour info, je suis très Cambria 12). Pour ma part, en revanche, j’ai l’élégance de ne pas me moquer de ce pauvre Times 16 qu’il utilise depuis toujours.
J’ai le même soucis de la qualité de l’affiche, on m’a même appelée « Ceausescu » quand j’en confectionnais. Cet avis était aussi partagé avec le projectionniste samedi dernier (c’est chouette de pouvoir parler au projectionniste). Je peux refaire la déco de ma chambre avec tout ce que j’ai récupéré. D’ailleurs, pourquoi les jambes de Jairomil sont à gauche sur l’affiche, alors que dans le film, elle sont à droite de celles de Madeleine? (question super sérieuse qui a alimenté notre conversation)
Avec mon âge avancé, je me souviens d’un temps où il y avait même un César de la meilleure affiche, comme la Victoire de la musique de la meilleure pochette.
Elles sont très belles vos affiches.
Et je vous rejoins sur la typo, peut-être parce que j’aime l’odeur des imprimeries, qui me rappelle mon enfance.
Travaillez bien!
Très belle affiche pour un très beau film, logique.
Je ne pense pas trop m’avancer en te disant que oui, bien sûr, les lecteurs de ce blog ont très certainement envie de les voir les 27 versions, quelle question.
En attendant tu peux aussi m’envoyer la version finale dès ce soir…
Des bises.
j’adore ce blog !
et travailler avec toi…
des bises mon Diasto
C’est vrai qu’il est vraiment chouette ce blog, ce serait dommage qu’il s’arrête…
Elles sont d’une beauté troublante vos photos, monsieur Richard.
Oui, moi aussi, je suis sous le charme des photos de ton Richard, quel portraitiste…
J’adore les affichesqui s’expriment, qui donnent, envie . très important.Pareil pour les bandes annonces, on va y aller où pasJe suis sûre que tu dois être très point aussi.Mireille