Votre vidéo commence dans 17 secondes

Je ne sais pas d’où vient ma haine pour la publicité. À ce point ce n’est pas normal, c’est trop. Je crois que c’est une des raisons pour lesquelles je ne regarde plus la télévision, ou si peu. À chaque fois que je l’allume, il y a toujours un moment où je tombe sur “Ma peau paraît plus dense, comme repulpée”, et j’ai envie de taper quelqu’un.

Pareil pour la radio. Depuis des années, la radio dans ma salle de bains est branchée sur France-Infos, mais je vais repasser sur FIP. Cela fait trois fois de suite qu’entre deux reportages, je dois supporter la voix d’Alain Généstar vantant les mérites de son magazine de photojournalisme, avec un ton insupportable, surjouant comme une brèle, puis par celle de Mathieu Kassovitz, vantant les mérites de son film, en jouant voire encore plus mal qu’Alain Généstar – ce qui n’est pas peu dire, et quand même surprenant, ce garçon a été un vraiment bon acteur. J’aurais pu aller voir ce film et lire ce magazine, mais maintenant c’est fini, ces gens ne se rendent pas compte, ou ils n’ont pas d’amis – un peu comme avec les affiches, donc.

J’aimais bien France-Infos, avant, quand il n’y avait pas de publicités. Comme j’aimais bien internet, avant, quand il n’y avait pas de publicités. Je ne pense pas être le seul à m’en être rendu compte, mais cela devient insupportable. Impossible d’essayer de regarder un reportage, une bande-annonce, un clip, sans tomber sur : “Votre vidéo commence dans 17 secondes”. Ce n’est pas long, dans l’absolu, 17 secondes, on s’en fout de 17 secondes, pourquoi cela alors me rend-t-il aussi dingue, pourquoi je coupe la vidéo, pourquoi je ne peux pas supporter d’entendre : “Notre monde est anéanti, nous nous battons pour le sauver ! Disponible maintenant sur Xbox 360.” Pourquoi, subitement, j’ai envie que personne ne le sauve, ce monde – qu’il crève, vraiment, pourquoi le sauver ?

Comparé à toutes les histoires en ce moment, et il en y a des bien atroces, cela n’a aucune importance, c’est vrai. Mais le diable est dans les détails.

Tout à l’heure, en rentrant d’un déjeuner chez ma mère, et allant rejoindre un mannequin australien et un mannequin russe dans un hôtel vers la Madeleine (et j’aime vraiment beaucoup cette phrase), je me suis arrêté dans le seul tabac de Levallois ouvert, vu qu’il n’y avait plus de pierre dans mon Zippo. Ayant des pierres de rechange chez moi, plus une dizaine de briquets fantaisie que ma tabagiste m’offre quand j’achète une cartouche (j’adore ma tabagiste, et cette histoire n’est pas extrêmement palpitante, non), j’ai décidé d’acheter une boite d’allumettes (je vous avais prévenu). Peut-être dix ans que je n’avais pas acheté d’allumettes. Eh bien saviez-vous que la taille des allumettes a réduit en dix ans ? Qu’elles ont perdu dans les 8 millimètres en longueur ? Et qu’il y en a deux fois moins dans la boîte ? Pour qui a des gros doigts, par exemple – ce qui n’est pas mon cas, j’ai les extrémités sublimes, cela devient tout bonnement impossible d’en craquer une sans se brûler. C’est un détail, bien sûr, il y a des choses plus graves… “Votre vidéo commence dans 17 secondes”, “Ma peau paraît plus dense, comme repulpée”…

MA PEAU PARAÎT PLUS DENSE !? COMME REPULPÉE !?

Mais je ne tape plus les gens, jamais, même quand j’en ai envie, même ceux qui le méritent, qui le méritent vraiment. Et puis je viens de passer l’après-midi et la soirée dans un hôtel vers la Madeleine, avec un mannequin russe et un mannequin australien…

Tout ça n’est pas très grave.

Ce matin, pour vous dire, en retravaillant sur un texte, j’ai écrit deux lignes et demi qui ont fait ma journée. Voilà. Deux lignes et demi. Peut-être les deux plus jolies lignes et demi que j’ai écrites de toute ma vie. Alors le reste, les histoires atroces, la publicité, la taille des allumettes…

Dieu est dans les détails.

ADDENDUM/ Je ne suis pas très assidu en ce moment pardon, ni vraiment concentré. Mais je ne suis pas très loin. Même si j’arrête ce blog en janvier, comme prévu, il restera ouvert, peut-être écrirai-je moins souvent, comme maintenant, peut-être plus court aussi, des aphorismes. Vais essayer de devenir le Lichtenberg du net… Il y avait celui-là, tiens, de ce bon vieux Georg-Christoph (voir gravure), que j’aimais bien, que j’avais mis en exergue d’une des histoires des Papas et des mamans, la dernière, l’histoire-titre : “J’ai peine à croire qu’on parvienne à démontrer un jour que nous sommes l’œuvre d’un être suprême et non pas, comme il semble, celle d’un être fort imparfait qui nous a fabriqués en matière de passe-temps”.

 


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6 commentaires

  1. Carine dit :

    17 secondes, veinard! La nuit dernière, alors que je voulais montrer une vidéo, nous avons râlé  » pfff, 20 secondes!!! »
    Vous m’apprenez que les allumettes ont perdu 80 millimètres en longueur… 8 cm quand même… z’êtes sûr?
    Très heureuse pour vos deux lignes et demi.

  2. 80 millimètres, ce sont les mannequins qui font ça, une question d’échelle…
    Ah les mannequins, rien à faire, on ne peut pas lutter contre ça!

  3. Diasteme dit :

    Sorry, angels. L’était tard. Plus d’erratum, hop.

    • Carine dit :

      Pas de sorry, de pardon entre nous, enfin… il était tard, je le sais bien. Si je peux me permettre, vous n’avez pas corrigé le nombre de mannequins, ça me paraît léger 2…

  4. Virginie dit :

    Surement 8 mannequins et 2mm ….

  5. Carine dit :

    Bon… depuis ce matin… j’ai des pubs de 30 secondes…

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