Débrief (#6)

Je crois que je suis comme tout le monde, je n’ai plus rien à dire sur rien. Je m’excuse auprès de ceux que je ne rappelle pas, je rappellerai. Je m’excuse auprès de ceux que je ne vois pas, je les verrai.

Je n’ai rien à dire sur les César, j’ai voté pour le premier tour, je voterai pour le second. Pour Holy Motors, et Denis Lavant. Pas mon film préféré de tous les temps, mon acteur préféré au monde (au demeurant impressionnant), mais pour qu’on puisse encore faire du cinéma en France, pour que le cinéma gagne, la poésie, la création, la maladresse.

Il y a plus de 150 ans, on accusait Berlioz d’être maladroit, parce qu’il ne suivait pas les règles – d’harmonies, d’écriture. Les abrutis, les teubés, s’offusquaient – Hugo, Balzac, Wagner ou Nietzsche, pour ne citer qu’eux, applaudissaient.

Et pourtant j’ai vu tous les films. Beaucoup aimé Bacri et Rich, sinon, dans le Cherchez Hortense de Pascal Bonitzer, un bon film j’ai trouvé, et j’ai étrangement bien aimé le scénario de Dans la maison, d’Ozon, qui n’est pourtant pas mon cinéaste fétiche. Quant à mon film français préféré (et nommé) cette année, je voterai également pour lui, dans la section “documentaires”. Il s’appelle Bovines ou la vraie vie des vaches, et il est réalisé par Emmanuel Gras. C’est un moment hors du temps, magnifique – sachant que le film que j’ai le plus aimé en 2012, Moonlight Kingdom, de Wes Anderson, n’est pas nommé dans les films étrangers. Et cela ne m’énerve même pas.

Je n’ai plus rien à dire sur le “Mariage pour tous”. Qu’on vote cette loi, qu’on en finisse, et celle sur la PMA en mars. Cela suffit. Que tout le monde se taise, puis se marie, puis se trompe, puis divorce, se déchire, que tout le monde ait des enfants, et les aime de son mieux. Je me souviens d’une des histoires des Papas et des mamans, une femme qui racontait le choc qu’elle avait eu quand elle s’était rendue compte que son mari était homosexuel, choc qu’elle racontait à son fils, ou à sa fille, je ne sais plus bien. Assez de menteurs, assez de frustrés, assez d’homophobes, assez d’UMP, assez de TF1, assez de religions. Le monde avance, sans vous, et c’est tant mieux.

Et c’est tant mieux pour presque tout. Presque. Parce que la vraie nouvelle triste, épouvantable, inadmissible, je l’ai lue il y a un quart d’heure et elle m’a vraiment brisé le cœur – mais je suis assez sensible en ce moment, qu’on me parle de bottes, ou d’Edith Piaf, et je peux fondre en larmes.

La nouvelle, la voilà : selon le journal Le Parisien, un arrêté préfectoral pourrait interdire dès 2015 les feux de cheminée en Île-de-France, interdiction étendue à la France entière rapidement, sous prétexte, sans doute juste, que leurs particules fines, rejetées dans l’atmosphère, sont aussi dangereuses que celles émises par les voitures.

Alors voilà, que voulez-vous. Je pense à Mandagout, je pense à Clichy, je pense à Oigny, je pense aux cheminées devant lesquelles, longtemps, j’ai aimé être, m’évader, me chauffer, réfléchir. Je pense aux cinq stères de bois que nous avons chargées avec Christophe et Alex, et Sylvie, et Clément, et Alban, il y a quinze jours dans le garage. Je pense à ces moments inouïs, inexplicables, hors du temps, passés à regarder un morceau de bois brûler, en fumant une cigarette, en buvant un verre de Cognac, en parlant du sens de la vie, avec des personnes que l’on aime. Je pense à ce moment précis, il y a très peu, où je me suis réveillé parce que le feu s’était éteint, que j’avais froid, et où j’ai rallumé le feu, en faisant couler un café, à 5h45 du matin. Je pense à cette pièce, que j’ai commencée à écrire, pour Gérard, qui s’appelle Flammes, qui parle du feu, de la vie, de l’amour.

La vie est née avec le feu, l’homme est apparu avec lui, et voilà qu’on veut l’interdire. Comme une espèce de boucle absurde.

Bientôt, j’espère, on interdira la mort.


Partager sur Facebook, ou sur Twitter.

4 commentaires

  1. Michaèle dit :

    « je suis comme tout le monde, je n’ai plus rien à dire sur rien. »
    …Même quand je crois que je ne vous aime plus, je vous aime encore.
    L’interdit des feux de cheminées, c’est comme les berges et tout le reste : de misérables petits coups de force.
    Et notre bonheur à tous prix.

  2. Do dit :

    Je te suivrai dans cette petite mort, si on m’interdit ce feu là !

  3. Noémie dit :

    « Occident, arrête de penser
    Si ca ne te rend pas meilleur »

    Je crois qu’il faut qu’ils arrêtent…

  4. pimousse dit :

    Interdire les feux de cheminées ? C’est une blague ou bien ? Naaaaan, pas ça !!! Je m’insurge ! Vive les feux de cheminées, les soirées au coin du feu, un bon thé ou un chocolat chaud au creux des mains, un petit bouquin qui nous attend et une douce musique en fond… On ne peut pas nous enlever ça quand même !

Répondre à Do

Résumé des épisodes précédents Liens amis Doléances RSS