Un Français (6)

Cinematograph_Lumiere_advertisement_1895Mon ami Gilles Taurand vient de m’envoyer une citation de Lacan en guise de résumé de la situation : « La connerie humaine est la seule chose contre laquelle la psychanalyse ne peut rien ». Une autre tourne depuis quelques jours dans ma tête, une de George Sand, repérée voilà peu dans sa Correspondance : « Si les gens n’étaient pas méchants, je leur passerais bien d’être bêtes ; mais, pour notre malheur, ils sont l’un et l’autre. »

C’est sympathique, dites donc, ces petits papiers. Bien heureusement pas tous – même si je ne lis presque rien je suis tenu au courant. J’ai bien compris ce que voulaient quelques journalistes, concernant la “polémique”, ce qu’ils veulent c’est que je dénonce, que je balance les noms des exploitants qui ont refusé mon film, que je les jette dans l’arène afin qu’ils se fassent bien pourrir, lyncher… Non mais ça va pas bien !? (Mais dans quel pays est-ce qu’on vit !? Sans déconner !? Etc.)

J’ai bien aimé, d’ailleurs, ce petit papier fielleux du Monde, dans lequel, en substance, on me traite de menteur. Dans Le Monde, pas dans Valeurs Actuelles, pas dans Le Crapouillot, dans Le Monde ! Un journal que je lis tous les jours – et qui a toujours été très correct avec mon travail, en plus ; un journal dans lequel écrivent des journalistes comme Vanessa Schneider et Ariane Chemin, dont le livre sur Patrick Buisson, Le Mauvais génie, est absolument formidable, passionnant, exemplaire. Un journal d’ordinaire humaniste, intelligent, pondéré, sérieux.

Mais je m’emporte.

D’autres aussi respectables n’ont pas écrit n’importe quoi, certains ont même mis mon vrai nom, alors… De quoi me plains-je.

La première projection publique du film, qui a eu lieu à La Ciotat hier, en clôture du festival “Berceau du Cinéma”, m’a procuré un plaisir rare – surtout que le film était projeté dans la plus vieille salle de cinéma au monde, le sublime Eden Théâtre, celui de L’Arrivée d’un train en gare de La Ciotat.

Enfin de vrais spectateurs voient le film, enfin nous en parlons – des spectateurs de tous âges, de toutes classes, de tous bords. Et chacun me donne son avis, nous échangeons, d’accord ou pas, nous nous parlons. Chaleureusement. Nous buvons un verre, tout en continuant à parler du film, et cela est tellement vivant, enrichissant, intéressant, précieux.

J’oublie le reste.

Voilà pourquoi on fait des films, me dis-je. Ça y est, enfin, ENFIN, voilà.

Pour que des gens les voient.


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14 commentaires

  1. Yves Lavandier dit :

    Autre citation qui va vous plaire. Elle est de Talbot dans la pièce de Schiller « La pucelle d’Orléans » : « Contre la bêtise, les dieux eux-mêmes combattent en vain. ». Isaac Asimov en a fait le titre de l’un de ses romans. YL

  2. Thomas Setti dit :

    Bonjour,

    Je suis un étudiant belge & j’aimerais beaucoup voir ce film. Va-t-il sortir en salles en Belgique? (J’ai effectué des recherches à ce sujet mais n’ai rien pu trouvé.)
    Merci pour votre réponse et bon courage!
    En espérant pouvoir vous donner un avis prochainement!
    ST

  3. Julian Katze dit :

    est-ce que les réactions frileuses des exploitants, des journalistes, ne sont pas liées au contexte actuel … Est-ce que le film aurait subi ce déchainement s’il était sorti il y a sept ou huit ans ? En pleine phase de cristalisation (vraiment dans le sens stendhalien) de l’extrème droite, il est possible que tout ce qui en porte l’empreinte, y soit assimilé, sans que personne ne cherche à voir plus loin, exactement comme un taureau dans une arène qui charge une cape sans se demander ce qu’il y a derrière.
    On lit dans des journaux des trucs aussi fou que « qu’est ce que ce film nous apprend de nouveau sur le Front National ? » A croire que personne n’a lu ou regardé les interviews du realisateur qui nous explique que le sujet du film est ailleurs.
    Moi je lui souhaite bonne chance malgré tout.

  4. Le Shadok dit :

    Bonjour

    Il serait intéressant, si le sujet du film est de raconter la trajectoire d’un individu de l’état de salaud à celui de mec bien, de traiter le sujet des skinheads avec respect.

    Je m’explique.

    De ce que j’ai pu voir, lire, que ce soit dans la presse ou vos interviews, on oscille entre « ce n’est pas un film de skinheads, on n’en parle que dans les 25 premières minutes » et tous les habituels amalgames : « skinhead = nazi », « skinhead = raciste », « skinhead = extrême droite », « quand les skinheads terrorisent l’écran », etc… Nous avons pour l’instant échappé à « Skinzilla, le retour de la haine raciste qui tue ». Jusqu’à quand?

    Il se trouve que la réalité, la mienne depuis plus d’un quart de siècle, est totalement différente.

    S’il est plus que souhaitable et salutaire de condamner la violence d’extrême droite, sachez d’abord ne pas sombrer dans le même genre d’amalgames que ceux employés par les fachos (on part des errements d’individus, et on lâche la meute sur leur supposée communauté à force de raccourcis et simplifications).

    Le gros problème est qu’il existe, à côté des clowns que vous dépeignez dans votre film et qui plaisent tant aux médias en général, des vrais skinheads, antifas et antiracistes, amateurs éclairés de reggae ou de soul, de ska, de calypso.

    A chaque fois que les médias, commettent cet amalgame, c’est leur image qu’ils salissent, en toute bonne conscience.

    Et c’est juste dégueulasse.

    Sur une apparence physique les médias tissent une panoplie de haine

    Bien cordialement

    Le Shadok, skin trad, antiraciste.

    PS : faire un film sur un salaud qui mute en mec bien, c’est génial. J’applaudis. En profiter pour être soi-même un mec bien et lutter contre les amalgames et préjugés, c’est encore mieux, plus conforme à la démarche revendiquée, je trouve.

  5. Xiep dit :

    Pleins de sujets plus originaux feraient d’excellents films… Mais bon, si la France était une démocratie, ça se saurait…

  6. Fanny Deuzenigrec dit :

    Et si tout le monde (hormis nos amis belges visiblement et malheureusement) éteignait son écran, sortait de chez lui et se dirigeait dans le cinéma qui projette Un Français ?
    On pourra causer espoir, réalité, et amour – après que vous l’ayez vu.

    • Xiep dit :

      J’irais voir « Un Français » quand
      1 – vous irez voir « Patries » de Cheyenne Carron.
      2 – « L’Anneau du Moebius » obtiendra une subvention du CNC.

  7. Fanny Deuzenigrec dit :

    Donc pas avant le 31 Décembre pour Patries. C’est dommage. Autant pour moi que pour vous.
    (par contre pour le CNC, vu la complexité du dossier de demande de subventions, je passe mon tour, un par an ça me suffit)

  8. Xiep dit :

    Oh pour le CNC, Cheyenne Carron a très bien expliqué en quoi c’était simple, du moins pour un réalisateur « de droite » : dans ce cas, le dossier part directement à la poubelle.
    Mais bon, l’avantage c’est que ça a permis à Mademoiselle Carron de devenir une réalisatrice indépendante (et avec quel succès ! Son film l’Apôtre a fait un tabac malgré des interdictions) et à Monsieur M’Bala M’Bala de devenir vraiment subversif (même si je n’apprécie pas le personnage)

  9. Sortie du film dans les salles (65 salles au lieu des 100 prévues) ,mercredi 10 juin. Vu le film ce jour. Très très bien ! Les 20 premières minutes sont dures, faut avoir un bon moral pour regarder ces horreurs racistes et cette violence, surtout quand on sait que nombre des faits sont réels. En mémoire aussi de James Dindoyal, jeune mauricien, tué au Havre en 1990 dans des conditions atroces…
    Ce film , sans discours ni lourdeurs pour nous « expliquer », montre assez bien ce qu’est l’extrême-droite , son histoire et évolution depuis années 1980 jusqu’à maintenant.
    Le Monde = « Une première en France où, malgré l’importance de l’extrême droite au cœur du paysage politique, jamais le cinéma n’a osé se saisir du sujet…. Sans avoir rien vu d’autre qu’une bande-annonce, la fachosphère, très active sur Internet, s’est vite émue de cette peinture de sa face la plus noire. »
    A noter dans cet article Le Monde, les propos de Fabrice Robert, leader du Bloc Identitaire, « Nous avons compris que la violence ne fait rien avancer ». En fait , les Identitaires, devenus un modèle pour une grande partie de l’extrême-droite, pour Ménard, pour le FN, se sont spécialisés dans la propagande d’incitation à la haine et à la violence raciste, à coup d’opérations de buzz, à coup de fabrications d’intox… Ce que montre aussi le film.

  10. Zitabelle dit :

    Je n’étais pas au courant de la polémique et ne l’ai découverte qu’aujourd’hui, après avoir vu le film hier, à l’Utopia de Bordeaux. La salle n’était pas très grande mais elle était pleine et le public a apprécié « Un français », moi la première. Dur, vraiment dur, les scènes de violence! Mais voilà un film qui raconte formidablement bien la bêtise crâne et satisfaite. Il y a des jeunes brutes, ignares, connes, dangereuses et en définitive pitoyables. Leur horizon est simple. « On est en France ici », on boit de l’alcool et on mange du cochon. Et toi t’es pas français. T’es pas comme nous, tu baisses la tête, tu prends des coups, tu te casses ou tu meurs.
    Ça existe et on montre rarement cette vraie misère culturelle, cet ennui de vivre que seuls semblent chasser la bière et les coups portés à ceux qui sont différents. La camaraderie des laissés pour compte soudés par l’ivresse et la haine de l’autre. Le sentiment absurde d’être quelqu’un simplement parce qu’on a décidé que l’autre n’est rien. J’ai été impressionnée. Mais ce qui m’a glacée, c’est le rôle des autres, ceux qui ne sont pas des gamins paumés, mais des adultes ou des politiques/apprentis politiques qui utilisent lesdits gamins. Effarant! Tout comme la femme qui rejette compagnon quand il cesse d’être haineux. Pour être un homme reconnu comme tel, il faut avoir des couilles, et en avoir c’est être une brute avinée. La haine comme certificat de virilité! Merci d’avoir raconté une histoire qui donne de l’espoir, même si je doute que beaucoup d’imbéciles rencontrent des pharmaciens perspicaces et concernés par la douleur d’autrui au point de leur faire découvrir la randonnée. Mais c’est une autre histoire. Au fond, accueillir l’autre, le respecter, ça peut le changer.
    Encore merci pour ce souffle, cet espoir. Rien n’est jamais perdu, peut-être. Et bravo aux interprètes. Bravo à tous ceux qui ont œuvré ensemble. Ça valait le coup!

  11. Xiep dit :

    Et pendant ce temps-là, l’un des chefs du gang pakistanais responsable des viols et tortures de 1400 (MILLE QUATRE CENT) gamines blanches à Rotherham s’est barré au Pakistan avec la complicité de la police anglaise qui, de concert avec les « assistantes sociales sic » ont tout fait pour leur garantir une longue impunité… allant jusu’à arrêter la mère d’une victime pour la faire taire !
    Que nos soeursanglaises privées de justice face une justice privée

  12. antoine dupont dit :

    Bonjour je voulais savoir quand le film sortira dans les petite ville ou quand il sera mis sur le net

  13. alumette dit :

    « L’ignorance et la bêtise du peuple font la force du dictateur. » – Jdan Noritiov.
    Très très bon film et acteurs inconnus (de moi) mais brillants. Ce qui est choquant n’est pas le film en lui même, mais ce sont les évènements réels racontés et surtout les réactions abjectes que tout cela suscite.
    Donc, bravo !!!

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