Bruno

J’ai entendu au Grand Journal tout à l’heure la nouvelle chanson de Booba. Ça s’appelle “Tombé pour elle”. Je ne suis pas complètement sûr d’avoir déjà entendu pire.

Pourtant j’avais lu le beau papier que Clément lui avait consacré dans “Next” – je ne savais pas bien qui c’était, et ça n’avait pas l’air horrible. J’avais pensé que c’était du hip-hop dans la veine d’Eminen, que j’aime beaucoup.

Mais non. Du tout.

C’était embarrassant à entendre, en fait – plus le temps passe et plus les choses dénuées de tout talent, vraiment nulles, m’embarrassent, dans le domaine de l’art au moins. Les mauvaises chansons, les mauvais films, les mauvaises pièces. Ça ne m’énerve pas, ça ne me révulse pas, ça m’embarrasse.

Un ami a sorti un album aujourd’hui, et deux amies en ont sorti un il y a une quinzaine de jours. Ces amies s’appellent Smoking Smoking (c’est un pseudo, oui, en vrai elles s’appellent Vanessa et Audrey) et leur disque s’appelle “It’s all about love”. L’album, vraiment, est très très beau, riche, extrêmement réussi, et ça me remplit de joie, de joie et de fierté, contraire absolu de l’embarras. Prenant, musical, surprenant, enchanteur. Il tourne en boucle à la maison avec un autre album, dont je parlerai bientôt, mais pour l’instant silence.

Mais je voulais parler de Bruno, qui sort son album aujourd’hui.

Bruno s’appelle Cali mais je l’appelle Bruno parce que c’est mon ami.

Et j’en suis fier.

Je sais les sarcasmes de certains à son endroit, sur la politique, les éclats, les émissions de télé où il a fait son numéro. Personnellement je m’en fous bien, nous en avons parlé ensemble, il sait ce que j’en pense, et d’ailleurs il ne parle plus de politique, ou dans la vie privée seulement, cette période est passée, ne restent que le chanteur, les chansons, les albums, les spectacles.

Son dernier récital, piano-voix, avec le très très grand Steve Nieve (que les fans d’Elvis Costello and the Attractions – dont je suis – vénèrent) a été un des plus beaux moments de musique sur scène auxquels j’ai pu avoir la chance d’assister. Un concert gigantesque, aux Bouffes du Nord, qui a mis tous les spectateurs d’accord, à genoux, puis debout, un long temps.

Son nouvel album s’appelle Vernet-les-bains, j’irai l’acheter demain, mais je l’ai écouté fin juin, non-mixé, au studio d’enregistrement. Bruno m’avait appelé quelques semaines auparavant pour me demander quelque chose, m’inviter à venir faire un “chœur” sur son album. Et j’avais dit d’accord, sans réfléchir, parce que c’est mon ami et que je dis oui à mes amis, j’avais noté le rendez-vous, et j’étais retourné travailler. J’étais en plein dans la mise en scène de Fille|Mère, je pensais vraiment à autre chose, j’avais vraiment d’autres problèmes.

Je me souviens de ce soir de juin où, en rentrant de répétition, après avoir déposé Andréa, je me suis rendu dans ce studio. J’étais heureux de faire autre chose, de penser à autre chose, ne serait-ce qu’une soirée, j’étais heureux de le voir, lui et Frédéric Lo, que j’adore, qui a également produit quelques disques d’Alex.

C’est là où je me suis rendu compte de ma méprise, ce n’était pas vraiment un “chœur”, c’était le couplet d’une chanson, la chanson de fin d’album, “Happy end” (quel beau titre), sur laquelle chanteraient quelques-uns de ses amis, Dominique A, Miossec, Mathias Malzieu, Rachida Brakni, Bénabar, et moi.

Intérieurement j’ai fait pouf pouf.

Mais j’étais dans un tel état de stress, de fatigue, de tourments, que je n’ai même pas eu peur, j’ai dit super, comme vous voulez. Ils m’ont servi un coup à boire, m’ont fait écouter la chanson, puis je suis passé dans la cabine, j’ai mis un casque, et j’ai chanté quatre ou cinq fois mon couplet. Bruno me filmait avec son iPad, en se marrant, et moi j’étais tranquille, heureux, je chantais – ou je “slamais à la Lou Reed” comme me l’avait suggéré Fred Lo.

Puis Dominique A est arrivé, puis Mathias, et ils ont chanté eux aussi.

Nous avons rebu quelques coups, ils nous ont fait écouter l’album, que nous avons trouvé sublime, et puis nous sommes allés dîner, et c’est un très bon souvenir de dîner.

L’album sort aujourd’hui, donc, j’ai déjà eu quelques retours sur ma petite “contribution”.

Et c’est très drôle, inattendu. Tellement agréable.

Les choses surprenantes sont si rares. Surprenantes dans le bon sens.

Il faut les chérir plus que tout.

ADDENDUM/ Pour rappel, on peut dire du mal de moi sur ce blog, tant qu’on veut (enfin, tranquille quand même), mais pas de mes amis.


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3 commentaires

  1. Luxisback dit :

    Je t’aime toi, depuis mes quinze ans quand je lisais 20ans (avant qu’il ne disparaisse pour revenir vidé de tout ce qu’il avait pu être).
    J’ai aimé Cali, Dominique A et même Mathias Malzieu (leur verve, leur ire, leur folie) vers 17 ans puis on s’est perdus de vue… j’irai acheter ce CD pour voir si on peut se retrouver.
    J’aimerai toujours à la folie Miossec, parce que la Bretagne, le bruit des vagues qui s’éclatent sur les rochers, le goût du sel sur les lèvres, les embruns dans l’air froid et humide, les rides taillées à la serpe sur sa face, sa plume amère, vénère, de vieux loup de mer.
    Bref, de l’amour toujours. Merci

  2. bos dit :

    Dans cette nuit du chasseur je revois tes mains dans une soirée glauque de banlieue, la promesse du grand écart que la vie nous offre en attendant de croiser la sagesse.
    Dans cette nuit féline je me souviens de walid djoumblat ton chat immortel.
    Dans cette nuit magique je me souviens de la fille weber et de cartes suspendues au plafond.
    Nostalgie? Non juste une plongée dans ma carte mémoire. Je songe à devenir psychanaliste roumain.
    A nos verres

  3. Manon dit :

    J’ai aimé cet album. Je l’ai acheté le jour de sa sortie comme tous les autres. Je l’ai aimé. Pourquoi? Parce que j’ai souris, parce que j’ai été ému, parce que j’ai même eu l’impression d’un coup de couteau dans le ventre. Et tout ça, c’est ce qui fait qu’un album est beau. Quand il raconte une histoire qu’on appelle vie. J’ai toujours aimé Bruno. Je l’ai connu sur scène alors forcément. Les Bouffes du Nord restera surement, un grand moment, de ceux qui marquent, de ceux qui comptent. J’avais moins ressenti la flamme dans « ma vie est une truite arc en ciel qui nage dans mon coeur » et « vous savez que je vous aime ». Mais ça restait lui, surtout sur SA scène.
    Miossec je connaissais un peu, mal. Quelques chansons vaguement connues. Puis j’ai rencontré l’HOMME, et dans sa bouche j’ai entendu Madame. J’ai pleuré. J’ai aimé Miossec. Aujourd’hui, je le connais sur le bout des lèvres. Et Miossec sur le bout des lèvres ça donne à rêver. Puis entre les deux il y a eu Diastème, à une rencontre fnac, avec Bruno justement. Il y a eu Serge, ton article, l’amour pour tes mots. Puis il y a eu les livres, les articles lus, les pièces vu, le films. Puis cette passion commune pour Christophe Honoré ça aussi ça me fait sourire. En fait, la vie, c’est toujours des putains d’histoires d’amour…
    Aaaaah que l’on est bien quand on sourit.

    Bonne nuit

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